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L'alimentation durable de la fourche à la fourchette : comparaison France - Danemark


Fourche


Panorama du secteur agricole danois


Le Danemark est incontestablement un pays porté vers l’agriculture avec 60% de terres cultivées et 41,9 milliards d’euros de production agricole annuelle. En comparaison, 54% du territoire français est utilisé à des fins agricoles et 78,8 milliards d’euros sont générés par la filière chaque année. Si on s’intéresse aux produits cultivés, ce sont les céréales qui dominent, notamment le blé, l’orge et l’avoine. Enfin, les légumes à racine occupent une part significative des surfaces cultivées, notamment les pommes de terre et betteraves sucrières.


Le pays est également très dynamique dans les secteurs de l’élevage et de la pêche. Du côté de l’élevage, l’industrie du cochon est d’une importance majeure. Les cochons représentent 5% des importations du Danemark et 90% de la production est exportée. Le pays est aussi le 5e exportateur mondial de poissons et de produits de la pêche et l’essentiel des produits pêchés sont destinés à l’exportation vers l’Europe. Fait étonnant, le pays importe également beaucoup de poisson des autres pays (il exporte pour €4,1mds et importe pour €3,1mds chaque année). Parmi les principaux produits exportés on retrouve principalement le saumon, la morue, les crevettes.


La crise du Covid a été à l’origine de l’effondrement de l’une des principales filières d’élevage du pays, celle du vison. En effet, les autorités ont exigé l’arrêt total de la production et l’abattage d’environ 17 millions de visons suite à la découverte d’une mutation du virus parmi eux, laquelle était soupçonnée de pouvoir se transmettre aux humains. L’élevage de vison représentait plus de 1000 fermes dans le pays, le Danemark étant notamment le premier exportateur de fourrure de vison. Tous les anciens éleveurs, sous perfusion financière de l’Etat, doivent désormais chercher d’autres filières pour réorienter leur production. La précipitation de cette prise de décision est désormais reconnue par le gouvernement qui admet avoir agi avec précipitation et sans cadre juridique suffisamment clair.


Les coopératives au coeur du fonctionnement de la filière agricole


L’une des particularités du modèle agricole danois tient à la prépondérance des coopératives dans son fonctionnement. Aujourd’hui, ces coopératives sont parmi les plus grandes entreprises du pays avec un chiffre d'affaires proche de 10% du PIB national. Les fermiers en sont pleinement propriétaires et y exercent un contrôle démocratique selon le principe “un membre une voix”. L’émergence de ces regroupements d’exploitants trouve son origine dans les années 1880. Le pays ayant fortement développé son secteur agricole mais ne comptant que peu d’habitants, la production s’avérait structurellement supérieure à la demande. Les producteurs ont cherché des moyens d’écouler leur production à l’international et ont trouvé la mise en commun de leurs ressources via les coopératives comme la meilleure solution pour y parvenir.


Si ces coopératives sont peu nombreuses, leur taille est en revanche importante, ce qui leur permet de détenir plus de 50% des parts de marché pour certaines filières comme le lait ou la viande. La plus grande coopérative danoise est Arla Foods, ce groupe appartenant à 10300 agriculteurs générait 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018. En comparaison, on trouve un plus grand nombre de petites coopératives de moindre importance dans les pays du sud de l’Europe. La plus grande coopérative française est InVivo et elle ne représente qu’environ la moitié de la taille d’Arla Foods.


Ce fonctionnement singulier a beaucoup contribué à faire du Danemark un des pays les plus innovants en matière d’agriculture. Après avoir été longtemps critiquées pour leur engagement dans l’agriculture intensive, les coopératives du pays ont changé de cap en se fixant des objectifs environnementaux stricts. Par exemple, la coopérative DLF a développé ses activités de recherche de semences afin de réduire l’utilisation de pesticides et Arla Foods a investi 40 millions d’euros pour promouvoir le bio dans un centre de recherche et développement au nord de la ville d’Aarhus.


Un pays champion de la production biologique


Plus de 11% des terres agricoles danoises sont utilisées pour l’agriculture biologique. Le pays se hisse donc en haut des classements européens, la France et l’Allemagne dédiant environ 8,5% de leurs surfaces à la production bio. Certaines filières s’illustrent plus que les autres en la matière, comme celle des œufs où le bio représente 25% de la production totale. Par ailleurs, le Danemark est le premier pays à avoir instauré son propre label bio en 1990, le “Ø-label” rouge. Plus tard, les fermiers du pays ont délibérément introduit des directives bio plus contraignantes que celles imposées par l’Union Européenne, notamment en ce qui concerne la réduction de l’usage d’engrais et la limitation de la durée de transport des animaux vivants entre le site de production et d’abattage (restreint à 8 heures). Enfin, il faut noter l’exigence des contrôles, réalisés tous les ans auprès des producteurs et des entreprises d’agroalimentaire bio.

Cette percée du bio s’explique par la demande importante des ménages danois, notamment pour les produits laitiers (un tiers du lait acheté par les danois est bio), les œufs, la farine, les carottes ou encore la viande de cochon. Le pays exporte nombre de ces produits à l’étranger. D’abord en Allemagne puis en Suède, en Chine, aux Pays-Bas et en France. Malgré cela, la production du pays ne suffit pas à satisfaire la demande interne en produits bio et les importations dépassent donc les exportations, notamment pour les fruits et légumes ne poussant pas localement.




Panier

Distribution : deux géants et quelques irréductibles

Comme en France où la distribution est contrôlée par un nombre réduit de concurrents, au Danemark les deux chaînes Coop et Sailing Group possèdent à elles deux 70% du marché total. Du fait de ce duopole, la concurrence par les prix est rude entre les supermarchés et discounters qui subissent une pression de plus en plus grande sur les bénéfices. Cette guerre des prix booste les ventes des produits de marque de distributeur, qui représentaient 32% des ventes en 2017.

Néanmoins, autour de ces deux géants de la distribution gravitent de plus petits acteurs bien implantés. Du côté de la vente en ligne, si les enseignes de GMS ont leur propre webshop, le pure player Aarstiderne.com s’impose comme un incontournable. Avec 4,9% de part de marché en 2018, cette entreprise créée en 1999 livre des colis de produits bio à 50 000 foyers danois et 10 000 en Suède, et propose de la vente en gros aux grandes cuisines, cantines, institutions et restaurants.

Picture from the website Aarastiderne

Produits bio : le Danemark très en avance

En 1987, quatre ans avant l’implémentation de la législation européenne sur le bio, le Danemark avait déjà pris les devants et créé son logo bio officiel. Grâce à ce mouvement insufflé par la législation, les consommateurs danois sont habitués à repérer le bio dans les rayons de supermarché. En effet, 98% des consommateurs reconnaissent facilement le logo bio danois. Cette grande reconnaissance joue un rôle prégnant dans le succès du bio au Danemark.

Ce qui nous amène à regarder de plus près la part de marché du bio au Danemark. Et sans surprise, 14% des produits alimentaires achetés en 2017 étaient bio, contre 4,4% en France.

Le Danemark serait le pays dont la part de marché des produits bio est la plus importante au monde. De fait, 80% des Danois achètent régulièrement des aliments bio et la moitié d’entre eux le fait chaque semaine.

Ce succès ne s’explique pas uniquement par la facilité du repérage du logo bio par les Danois. En France 97% des consommateurs connaissent ce logo et pour autant la consommation bio est bien moindre. Les grandes enseignes de distribution sont engagées dans une coopération ambitieuse avec Organic Denmark, la fédération danoise de la filière biologique. Grâce à cela, les rayons bio de supermarchés conventionnels sont aussi bien achalandés qu’un magasin spécialisé en France. Et cela se voit même dans les slogans des distributeurs, le discounter Netto affichant fièrement dans ses campagnes de communication : “Tout le monde doit avoir les moyens d’acheter bio”.



Le paradoxe de la consommation locale

Le Danemark abrite beaucoup d’initiatives visant à favoriser les petits producteurs locaux et faisant d’une pierre deux coups, réduire l’empreinte carbone du transport des marchandises. Le géant Coop soutient par exemple l’inclusion de petits producteurs dans ses chaînes d’approvisionnement. L'entreprise s’est fixé des objectifs spécifiques en matière de soutien des produits du commerce équitable, tels que l’augmentation des ventes et de la gamme en stock de produits équitables vérifiés indépendamment, ainsi que la promotion active et à ses frais de ces produits et des enjeux qu'ils représentent. A plus petite échelle, une myriade de projets entrepreneuriaux allant dans cette direction voient le jour, comme la plateforme Muld Lolland Falster par exemple, qui achemine des produits locaux vers les villes ou encore le restaurateur collectif Sodexo qui utilise majoritairement des produits locaux pour sa cantine.

Si ces initiatives favorisent la production locale, elles restent néanmoins très concentrées autour de l’agriculture. Le Danemark étant le premier exportateur de poissons en Europe, on pourrait penser que les Danois sont auto-suffisants à ce niveau-là. Paradoxalement, ils importent une grande partie du poisson qu’ils consomment. Ainsi en 2017, environ 1 135 900 tonnes de poisson danois ont été exportées, quand le royaume a importé 1 336 900 tonnes de poissons la même année. Les Danois ne consomment pas nécessairement les poissons pêchés sur leur territoire alors qu’ils pullulent. Etonnant n’est-ce pas ?



Fourchette


Un rythme de repas bien différent de celui de la France...


La principale différence entre français et danois tient aux horaires de repas. Comme les danois vivent en général plus tôt, se levant à l’aube et se couchant de bonne heure, leur alimentation doit suivre le rythme.


Le petit déjeuner est dégusté entre 6h et 8h. On y mange du pain de seigle avec des garnitures souvent salées (fromage, charcuterie, crudités). Il est généralement bien plus copieux qu’en France et pour cause, leur déjeuner de midi qui suivra n’est pas un réel repas attablé avec des plats cuisinés mais plutôt un snack simple mangé sur le pouce. Il se compose de tartines, dont ces fameux smørrebrød, de sandwichs ou de salades. Le repas le plus important de la journée a lieu le soir vers 18h et on y déguste davantage de plats chauds.


Coup d’oeil en cuisine !


Autant l’avouer, le Danemark n’est pas le premier pays auquel on pense lorsqu’on pense à la gastronomie. Pourtant, on trouve des spécialités locales qui valent le détour. Si vous ne deviez retenir qu’une spécialité culinaire danoise, la plus populaire et répandue de toutes, ce serait le smørrebrød. Il s’agit d’une tartine de pain de seigle très nutritif, garnie de différents accompagnements. On place généralement sur le pain une viande ou un poisson (hareng mariné, crevettes, viande fumée) en l’agrémentant de betteraves, de radis, d’oignons ou de fromage.


Dans un esprit plus festif et gastronomique, on retrouve le flæskesteg med rødkål, un plat typique de noël constitué d’un rôti de porcs dégusté avec du chou rouge mariné et des pommes de terre légèrement caramélisées. Ou encore le stegt flaesk, un plat composé de lard frit accompagné de pommes de terres et de betteraves. Du côté du sucré, il faut parler du risalamande, une sorte de riz au lait aux amandes accompagné d’un coulis à la cerise. Le grand jeu traditionnel lors des fêtes de Noël consiste à cacher une amande entière dans ce dessert, celui qui obtient l’amande gagnant alors un cadeau !

Ces plats peuvent paraître très riches et gras, pourtant cela ne reflète pas les habitudes de consommation des danois qui comptent parmi les principaux consommateurs de fruits et légumes en Europe, derrière le Royaume-Uni. Et attention, si le Danemark n’est pas un pays de gastronomie, de grands chefs y cuisinent toutefois très bien ! On compte aujourd’hui 25 restaurants étoilés au guide Michelin dont un 3 étoiles depuis 2016.




Une tendance végétarienne qui gagne doucement du terrain

On estime qu’environ 3% de la population danoise suit un régime végétarien, face à 5,2% en France. L’université de Aarhus a constaté une véritable montée de cette tendance dans une étude récente. 30% des consommateurs ont en effet affirmé avoir arrêté ou réduit leur consommation de viande et pour 12% d’entre eux, cela s’est opéré dans les 6 derniers mois. Toutefois, 38% des répondants affirmant avoir réduit leur consommation continuent de manger de la viande tous les jours. On va donc vers une consommation raisonnée plutôt qu’un arrêt total. Si on s’intéresse aux actualités danoises sur le sujet, le gouvernement a lancé un projet de loi en octobre 2020 pour rendre la restauration collective publique plus durable et écologique. Parmi les propositions figuraient un objectif de 60% de nourriture biologique minimum et deux repas végétariens par semaine dans les cantines. Cette deuxième proposition a été rejetée suite à de nombreuses oppositions, arguant que la viande consommée au Danemark est produite localement et qu’une baisse des achats de la part des cantines n’impacterait pas le niveau de production, qui serait juste exporté ailleurs.




Poubelle


Beaucoup de déchets sont générés mais la majorité est valorisée


Le Danemark fait partie des pays de l’Union Européenne produisant la plus grande quantité de déchets solides par habitant. Et pour faire face à cela, le gouvernement s’est fixé un objectif en 2013 de réduction d’au moins 50% des déchets ménagers à horizon 2022. Malgré son haut niveau de production de déchets, le pays démontre une réelle capacité à transformer ces derniers en ressources dans une optique d’économie circulaire : 69% des déchets sont recyclés, 27% sont incinérés pour produire de l’énergie et seulement 4% s’en vont vers des décharges. Atout ou fléau ? Tout comme en Norvège et en Islande qui présentent un schéma similaire, la valorisation des déchets occulte le problème des énormes quantités générées.


La folie des grandeurs danoise sur l’incinération des déchets


Les 98 municipalités danoises ont la charge de la gestion des déchets. Il arrive souvent que certaines s’associent et gèrent ensemble certaines usines de déchets. Des entreprises privées peuvent également intervenir sur le sujet.

En plein cœur de Copenhague, on peut admirer un bâtiment de forme un peu étrange : c’est Copenhill, un centre de valorisation énergétique de déchets. Cet immense incinérateur détient des capacités de combustion annuelles de 400 000 tonnes de déchets. Il permet de chauffer 160 000 résidences et d’en approvisionner environ 62 000 en électricité. Et pourquoi une telle forme ? Le bâtiment accueille une piste de ski géante alimentée par l’énergie produite ainsi qu’un immense mur d’escalade.

Un petit souci vient entacher ce joli tableau : le Danemark dispose déjà d’un grand nombre d’incinérateurs. Copenhill ne parvient donc pas à réunir suffisamment de déchets pour répondre à ses capacités et être rentable… Un vrai gouffre financier !



L’île de Bornholm, la première communauté zéro déchets ?


C’est le nouveau défi de l’entreprise BOFA qui gère les déchets de l’île et soutenu par la majorité des habitants. L’incinérateur de Bornholm deviendra hors d’usage en 2032 et plutôt que d’en construire un nouveau, il a été décidé que les 40 000 habitants devront réduire leur quantité d’ordures ménagères, les déchets restant étant recyclés. Le chemin est encore long puisque seulement 39% de déchets ménagers sont aujourd’hui recyclés à Bornholm (c’est 43% en France). Reste à savoir quelles méthodes déployer pour atteindre cet objectif. Le BOFA recommande un tri sélectif plus exigeant et expérimente des machines électroniques à cette fin. Des ateliers pédagogiques sont également mis en place dans les écoles pour enseigner les bonnes pratiques du recyclage aux enfants. Coup marketing pour attirer les touristes ou réelle ambition politique ? On attend encore de voir les avancées pour le déterminer.




Sources (I) :

Chiffres terres cultivées Danemark : DAFC, 2014 Chiffres terres cultivées France : ISEE

Types de production : Danish Agriculture & Food Council - chiffres globaux, what is produced 2015 Cooperatives : https://www.usinenouvelle.com/article/le-danemark-berceau-du-modele-cooperatif-dans-l-agro.N855740

Production bio du pays : USDA, the organic food market in Denmark, 2020 Demande interne en bio, importations et exportations : https://agricultureandfood.dk/danish-agriculture-and-food/organic-farming Labels et réglementations bio :

Sources (II) :


Les supermarchés européens au banc d’essai - Sont-ils à la hauteur de leurs responsabilités en matière de conditions de travail dans le monde en développement ?

ISBN 978-0-9560297-6-8 Publié par Consumers International en mars 2010


Sources (III) :



Sources (IV):




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