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L’alimentation durable de la fourche à la fourchette : comparaison France-Allemagne

I - La fourche : deux puissances agricoles européennes en conversion biologique


Panorama du secteur agricole allemand


L’Allemagne est le deuxième producteur agricole de l’Union Européenne après la France. Si l’agriculture allemande pèse moins dans les chiffres de l’emploi (1,2%) et de la contribution au PIB (0,6%) que l’agriculture française (2,5% de l’emploi et 1,5% du PIB), celle-ci se distingue toutefois par une domination des filières du lait et du porc, ainsi que par un ascendant en termes d’exportations. Depuis 2016, l’Allemagne a notamment dépassé la France dans la production et l’exportation de blé.

Le panorama des cultures et des élevages est marqué par une grande diversité entre régions et chaque Land fixe ses politiques agricoles.

  • Dans les Länder du sud (Bavière, Bade-Wurtemberg) on trouve beaucoup d’exploitations familiales soutenues par le Land.

  • Dans les Länder de l’Est, les grandes coopératives de culture céréalières ou de maraîchage issues des kolkhozes de l’ex RDA dominent. Ces exploitations représentent un fort vivier d’emploi.

  • Dans les Länder du Nord-Ouest (Basse-Saxe, Schleswig-Holstein et Rhénanie du Nord-Westphalie) se concentrent l’élevage intensif de porcs ainsi que l’élevage de vaches pour l’industrie laitière.

  • La Rhénanie-Palatinat est enfin spécialisée dans la viticulture.

Les dernières années ont été marquées par une intensification de l’élevage animal, en particulier pour la production de viande porcine qui a augmenté de 44% en 20 ans. Ce secteur est controversé par nombre d’associations luttant pour le bien-être animal dans le pays. Le gouvernement est d’ailleurs en train de mettre en place un nouveau label « bien-être animal » pour les élevages apportant un soin particulier aux bêtes, au-delà du cadre réglementaire fédéral.

Il en est allé de même pour la production de biogaz à partir de productions agricoles. L’Allemagne est le premier pays producteur de biogaz en Europe à partir de méthanisation, bien que la croissance de production diminue depuis quelques années du fait d’une décision politique d’utiliser les sous-produits et déchets agricoles en priorité. L'objectif est ainsi de réduire l’utilisation de cultures agricoles développées sur des surfaces dédiées. En effet, l’utilisation de surfaces de culture pour produire de l’énergie et non pour nourrir la population est un fait décrié. La France a développé la méthanisation plus récemment et utilise de préférence des biodéchets, en particulier des effluents d’élevage. En 2016, une loi a même instauré une limite à 15% de l’approvisionnement des méthaniseurs issus de cultures agricoles.


Les politiques salariales allemandes à l’origine d’une forte compétitivité

Plusieurs zones grises ont longtemps permis à l’Allemagne d’employer une main d’œuvre peu rémunérée et ainsi de renforcer sa compétitivité prix :


  • Tout d’abord, l’absence de salaire minimum généralisé à tous les travailleurs agricoles. Le salaire minimum n’a été instauré en Allemagne qu’en 2015 et celui-ci ne s’est appliqué au secteur agricole que depuis 2018. Seulement, il excluait encore les saisonniers (qui constituent une part significative des travailleurs agricoles) dont la rémunération pouvait se faire en-dessous du salaire minimum.

  • Ensuite, la politique des travailleurs détachés. Initialement mise en place par l’UE pour renforcer les échanges intracommunautaires, cette politique permet à une entreprise d’envoyer ses salariés dans un autre pays de la zone tout en payant les charges sociales de son pays d’origine. Cela s’est traduit par l’embauche massive de sous-traitants issus des pays à bas salaires dans les abattoirs allemands.

La situation s’est légèrement améliorée en 2017 avec une loi contraignant les entreprises à appliquer un salaire minimum et à payer les cotisations sociales du sous-traitant. La crise du covid a également renforcé la volonté d’agir du gouvernement, suite à la découverte de foyers viraux dans plusieurs abattoirs. Le projet de loi relatif au « renforcement des missions d’inspection du travail » de juillet 2020 a pour but de renforcer l’inspection du travail dans les abattoirs et de restreindre le recours à la sous-traitance, une décision d’ampleur puisqu’on considère qu’environ deux tiers des salariés de l’industrie seraient concernés. Les salariés détachés, souvent issus d’Europe de l’Est, seront embauchés par les entreprises allemandes au même titre que les autres employés et avec les mêmes revenus.

En France, le recours aux salariés détachés dans l’agriculture est moins faramineux mais tout de même conséquent. Une nouvelle réglementation a également vu le jour en juillet 2020. Alors que jusqu’ici, l’employeur pouvait se contenter de rémunérer le travailleur détaché au Smic, il devra désormais le rémunérer de la même manière que les employés d’entreprises françaises travaillant dans le même secteur d’activité.

France et Allemagne, deux pays moteurs de la Politique Agricole Commune Européenne.


La France et l’Allemagne faisant partie de l’Union Européenne, ils sont globalement soumis aux mêmes réglementations en matière d’agriculture, réglementations auxquelles ils participent activement, financièrement et politiquement.


En effet, l’Allemagne est le premier contributeur au budget européen avec 23,3 milliards d’euros, suivi par la France avec 20,5 milliards d’euros. Les deux pays sont en revanche déficitaires puisque l’Allemagne reçoit 6,4 milliards et la France 9 milliards d’euros d’aides annuelles. Au-delà des apports financiers, il est important de souligner l’influence du couple franco-allemand sur les décisions du parlement. En effet, les lobbies agricoles des deux pays sont puissants et bruyants. Sur les 25 000 à 30 000 lobbies professionnels agissant auprès du parlement européen, on estime qu’environ les 2/3 sont allemands.


Des fermes bio, de permaculture et urbaines

France et Allemagne dédient environ 8,5% de leurs surfaces agricoles à l’agriculture biologique, se plaçant ainsi parmi les pays modèles en Europe. Des politiques volontaristes sont engagées pour inciter à la conversion des surfaces. Tout d’abord une prime à la conversion est versée via la PAC pendant les 5 premières années aux producteurs. A celle-ci s’ajoute un bonus versé par le Land en Allemagne, de l’ordre de 250€ par hectare pour une surface de 300 hectares. En France, le projet “Ambition Bio 2022” lancé en 2018 se fixait d’atteindre 15% de surfaces agricoles bio d’ici l’an prochain, bien que cela paraisse aujourd’hui hors d’atteinte. Les aides qui accompagnent cette ambition, en plus des aides de la PAC, se divisent en deux parties : l’aide à la conversion (CAB) et l’aide au maintien (MAB). Le montant des aides varie de 25€ à 600€ par hectare et par an selon le type de culture. Pour la culture légumière par exemple, un producteur peut recevoir 150€ par an et par hectare via le CAB et 250€ par an et par hectare via le MAB.


Ces aides ne s’avèrent pas toujours suffisantes, environ 3% des producteurs de bio allemands abandonnent chaque année pour revenir à l’agriculture conventionnelle du fait d’une profitabilité financière moindre ou à cause de contrôles trop contraignants. Mais d’un point de vue global, l’évolution des surfaces se convertissant au bio va dans le bon sens avec un doublement des surfaces bio en 5 ans en France (2014-2019) et une augmentation de 10,8% en 2018 en Allemagne.


II - Le panier : choisir entre MDD, discounters et magasins bio spécialisés


Une forte consolidation des surfaces de vente

L’Allemagne est le pays qui connaît la plus grande densité de points de vente en Europe, ce qui laisse le consommateur dans l’embarras du choix pour ses courses. Mais comme en France, le pays est caractérisé par une forte concentration des surfaces de vente au détail et par une forte concurrence tarifaire poussant les prix vers le bas.

En France, 6 grands groupes de vente au détail se partagent environ 85 % du marché de la grande distribution (Carrefour, Auchan, Leclerc, Casino, Les Mousquetaires et Système U). En Allemagne, ce sont 5 groupes qui se partagent 72% des revenus Edeka-Group, Rewe-Group, Schwarz-Group, Aldi-Group, Metro-Group), ce qui se traduit dans les deux cas par une forte concurrence tarifaire avec des prix bas.


Parts de marché de la vente de détail


L’Allemagne entre hard discount et marques de distributeurs

Dominés par Aldi et Lidl, les discounters sont très présents dans le pays et réunissent 50% des parts de marché de la vente alimentaire au détail, là où ils ne représentent que 11% en France. Qui plus est, la France s’éloigne de plus en plus du hard discount agressif des années 1980. Les discounters commencent à introduire quelques produits de marques pour répondre aux demandes des consommateurs qui cherchent moins le volume mais davantage la qualité.

Face aux petits prix affichés par les discounters en Allemagne, les GMS n’ont d’autre choix que de s’aligner pour maintenir un niveau de vente satisfaisant. Elles ont presque toutes lancé leurs propres marques (MDD) dont le poids atteint 30% de leurs parts de marché. Les produits proposés, tant pour la viande que le fromage ou les biscuits, sont donc standardisés et leurs prix s’alignent avec ceux des discounters.

Des initiatives qui facilitent l’accès à la nourriture pour tous, certes, mais qui abritent des coûts cachés importants dont les contribuables doivent payer le prix. Une étude de scientifiques d’Augsburg a notamment mis en avant l’importance des investissements réalisés par les fournisseurs d’eau dans des systèmes de filtration permettant de séparer les nitrates (issus des engrais employés en agriculture conventionnelle) de l’eau potable. Ils démontrent que si l’on internalise les frais supportés par la collectivité regardant les externalités négatives sur la santé et l’environnement, la facture des produits est 10% plus élevée.

L’essor du bio en magasins spécialisés et en GMS : une tendance commune

L’Allemagne occupe la première marche du podium concernant le marché bio en Europe depuis plusieurs années, mais la France est en train de la rattraper. Dans les deux pays, c’est la grande distribution qui domine l’offre bio avec 60% des parts de marché en Allemagne et 55% en France en 2019. On voit en effet les grandes marques comme Danone ou Nestlé adapter toutes leurs lignes de produits pour proposer des gammes bio. Viennent ensuite les magasins spécialisés situés en centre-ville, proposant une offre biologique et souvent régionale, comme Basic, Alnatura, BioCompany. Ils sont considérablement plus chers mais très fréquentés par une clientèle toujours plus diversifiée.


Un des enjeux réside aujourd’hui dans la lutte contre la pression exercée par les discounters (comme Aldi ou Lidl) sur le prix des produits bio. Ces distributeurs tentent de tirer les prix vers le bas, ce qui ne permet pas de respecter l’équilibre économique, même subventionné, de la production bio. Le consommateur reçoit l’information que le bio n’est pas cher dans la grande distribution et refuse ensuite d’en payer le prix réel auprès des magasins spécialisés. De manière tout à fait absurde, l’Allemagne se retrouve souvent à importer les produits bio de l’étranger. “Dans les produits laitiers également, environ 30 % du lait et du beurre bio vendus en Allemagne est produit au Danemark et en Autriche » (Les Echos, 2018). La France semble s’en tirer un peu mieux en termes d’importations de produits biologiques, seuls 33,1 % de son offre bio étant importée en 2019.


Quelles solutions pour manger local en France et en Allemagne ?

Il est intéressant de voir que les circuits courts alimentaires ne sont pas définis de la même façon en France et en Allemagne. En France, cela désigne les achats effectués directement auprès du producteur ou avec un intermédiaire maximum. En Allemagne, le circuit court se rapporte plutôt à l’achat de produits locaux.

Dans les deux pays, on trouve des possibilités de vente directe à la ferme et, pour ceux résidant en ville, des points de vente réunissant les produits de plusieurs producteurs régionaux. Les équivalents allemands des AMAP sont les Solawi (Solidarische Landwirtschaft). Au sein de ces réseaux solidaires, les consommateurs s’engagent à fournir une cotisation mensuelle aux producteurs pour pouvoir bénéficier de leurs récoltes avec des livraisons hebdomadaires. L’idée est de permettre aux agriculteurs de produire de manière indépendante, sans dépendre des prix et de la demande du marché. Dans certains cas, les adhérents se rendent eux-mêmes sur les exploitations pour apporter leur aide aux agriculteurs.


La démarche des Solawis est davantage politique que celle des AMAP, les premiers ayant pour vocation de “financer l’agriculture et non chaque aliment séparément” tout en recréant du lien entre producteur et consommateur, les seconds oeuvrant pour le “Maintien d’une Agriculture Paysanne ayant pour objectif de préserver l’existence et la continuité des fermes de proximité dans une logique d’agriculture durable”. Bien que le nombre de Solawis soit actuellement plus faible que le nombre d’AMAP, leur nombre ne cesse d’augmenter chaque année (+200 en 2019).

Autre initiative commune aux deux pays, les plateformes de commande de produits en vente directe. La Ruche qui dit Oui, l’une des principales plateformes qui compte aujourd’hui 1500 ruches en Europe a par exemple ouvert son antenne allemande, « Marktschwärmer ». Contrairement aux Solawis, ces plateformes ne cherchent pas à renforcer le lien entre le producteur et le consommateur, on s’en tient à la recherche de produits frais et qualitatifs.


III - La fourchette : quelles différences d’habitudes alimentaires ?


Les Français allouent un plus gros budget à la nourriture


En 2017, les ménages français consacraient 12,2% de leur budget à l’alimentation, contre 9,3% pour les ménages allemands. Et cela, alors même que le PIB/habitant français était inférieur à celui de l’Allemagne, 44 500$ contre 38 800$. On peut voir plusieurs raisons à cela : tout d’abord, le coût de la nourriture est plus faible en Allemagne qu’en France du fait du nombre élevé de discounters et de la concentration des distributeurs qui exercent une pression à la baisse sur les prix d’achats aux producteurs. Ensuite, les allemands apportent davantage leur nourriture pour leur pause déjeuner au travail (57% contre 25% chez les franciliens, nous n’avons pas trouvé de chiffre général pour la France). Et pour cause, les Allemands sont connus pour prendre des pauses plus courtes et pour moins s’attabler que les Français.


L’accord pain fromage : un combo gagnant dans les deux pays


Si les français sont fiers de leur baguette, les allemands se targuent de détenir 300 sortes de Brot (pain) et 1200 sortes de Brötchen (petits pains), bien que leur tentative de faire reconnaître leur pain au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2014 a été un échec. En termes de consommation, les Allemands sont bien plus gourmands, avec 56kg de pain consommé par habitant chaque année contre seulement 47kg en France (mais n’oublions pas que la baguette est nettement plus légère que les pains aux céréales allemands).


Concernant le fromage, les Allemands consomment moins que les Français (16kg vs. 22kg), mais le plaisir s’étend sur toute la journée : au petit déjeuner, au déjeuner et surtout au dîner où 90% des familles en ont à leur table. Essentiellement issue de Bavière, sa production est moins dispatchée géographiquement qu’en France.


Une forte montée du végétarisme et véganisme chez les jeunes allemands


La consommation globale de viande est à peu près similaire en France et en Allemagne, avec un peu plus de 85 kg par an et par habitant, mais les français mangent une part bien plus significative de bœuf (27%) que leurs voisins d’Outre-Rhin (18%) qui se consacrent davantage au porc (56% contre 38% en France).


C’est en Allemagne que sont mis sur le marché le plus de produits vegan d’Europe chaque année. Selon une étude de 2018 de FranceAgriMer, environ 5,6% de la population serait végétarienne ou vegan, contre 5,2% en France. Plusieurs études montrent aussi que le véganisme est surtout un succès auprès des jeunes et des catégories sociales les plus diplômées. A Berlin, la Technische Universität a ouvert la première cafétéria vegan de la ville en 2010. Mais attention, ne nous méprenons pas ! Malgré cette montée des régimes non carnés, les productions industrielles de viande et de lait ont augmenté significativement, faisant même de l’Allemagne la première productrice de produits laitiers de l’UE. Côté législation, une loi a été proposée au Bundestag en 2019 pour augmenter la TVA sur la viande de 9% à 17%. Mais celle-ci n’est pas passée, le gouvernement craignant de pénaliser les foyers à plus bas revenus. Le Bundesrat (le sénat local) est de son côté en train d’étudier une nouvelle loi sur le bien-être des animaux en élevage porcin.

Consommation de viande, France et en Allemagne, FranceAgrimer 2019




IV - La poubelle : des modèles très différents de lutte contre le gaspillage alimentaire et de recyclage


Un challenge de la fourche à la fourchette


On estime qu’environ 10 millions de tonnes de nourriture consommable sont gaspillées en France chaque année (150 kg/habitant/an) et 12 millions de tonnes en Allemagne (145kg/habitant/an). Ce gaspillage s’effectue sur tous les maillons de la chaîne alimentaire, depuis le producteur et jusqu’au consommateur. Si en Allemagne, les ménages sont responsables de plus de la moitié du gaspillage alimentaire, la responsabilité semble un peu plus répartie sur toute la chaîne de valeur en France. Pour faire face à ces pertes monumentales, la France et l’Allemagne ont opté pour des stratégies très différentes.



Sources du gaspillage alimentaire, France et Allemagne, Centre Européen de la Consommation 2019



La France a développé davantage de législations contraignantes...


Les objectifs de la France en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire sont aujourd’hui plus ambitieux que ceux de l’Allemagne. Alors que la France s’est fixée de réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici 2025, l’Allemagne a juste repris l’objectif du parlement Européen qui porte l’échéance à 2030.

En termes de législation, la France a décidé d’imposer des mesures strictes. La loi Garrot interdit dès 2016 pour les distributeurs de rendre impropres des denrées encore consommables et rend obligatoire pour les surfaces de vente de plus de 400m2, pour les opérateurs de la restauration collective qui vendent plus de 3000 repas par jour et pour les industries agroalimentaires au chiffre d’affaire supérieur à 50 millions d’euros, de signer une convention de don avec une association caritative pour privilégier le don à la poubelle.

De son côté, l’Allemagne n’a promulgué aucune loi pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Le gouvernement privilégie les initiatives privées d’entreprises et d’associations et en 2019, la ministre de l’alimentation Julie Klöchner a mis en place différents forums de discussion visant à identifier les leviers d’actions exploitables.


...tandis que nos voisins allemands comptent davantage sur les initiatives privées

Que ce soit dans les champs ou dans les supermarchés, des acteurs agissent activement pour réduire les quantités de nourriture gaspillée en Allemagne. Entre organisations à but non lucratif et entreprises, plusieurs modèles coexistent mais tous ont pour objectif de valoriser les denrées non consommées.


Concernant le gaspillage dans les champs, l’entreprise Querfeld se mobilise pour racheter chaque semaine 6 tonnes de fruits et légumes bio impropres à la vente (du fait d’un mauvais calibrage ou d’un défaut esthétique) auprès des producteurs agricoles. Elle revend ensuite ces produits achetés à prix bradés via des paniers bio hebdomadaires qui se veulent accessibles financièrement, soutenant donc par la même occasion la démocratisation du bio auprès des consommateurs à budget plus limité.


Du côté du gaspillage dans les supermarchés, une myriade d’initiatives sont présentes pour récupérer les invendus ou les produits arrivés à date limite de consommation (qui doivent légalement être retirés des rayons), pouvant toujours être mangés. La plus importante est Die Tafel, une association caritative possédant 950 antennes en Allemagne et récupérant les invendus alimentaires sous forme de dons, au bon vouloir des supermarchés, pour les redistribuer auprès d’un réseau d’organisations solidaires locales gérant elles-même la redistribution auprès de personnes dans le besoin. Reposant sur un système de contrôle strict des bénéficiaires devant justifier leur situation, tout le monde ne peut pas y accéder. D’autres associations ont suivi ce modèle en incluant une dimension collective, d’échange et de partage. C’est le cas de Real Junk Food qui redistribue des invendus de grandes surfaces sans contrôle de revenus préalable et en incluant les bénéficiaires dans la collecte auprès des supermarchés. Ceux-ci se rendent aux entrepôts et se répartissent directement les produits. Ils organisent également des soirées de convivialité où tous les plats servis sont préparés à partir de nourriture “sauvée”. De la même manière, le réseau Food Sharing redistribue la nourriture dans des points de collecte où chacun peut venir se servir. Ils installent aussi des frigos de partage appelés “Fairteiler” où chacun peut venir déposer ou retirer de la nourriture. Des startups ont poursuivi la démarche de lutte contre le gaspillage en grande surface, cette fois avec une logique de rentabilité. C’est le cas de la société danoise Too Good To Go, largement implantée en Allemagne, qui rachète les invendus à prix cassés puis les revend à des particuliers sur son application. De son côté, l’entreprise Sirplus a opté pour une revente multicanale des produits, sur internet et en physique dans plusieurs points de vente berlinois.


Il serait sévère de prétendre que la France n’a pas d’initiatives similaires, il existe en effet des projets comme Nous Epiceries anti-gaspi qui propose uniquement des produits refusés par les circuits traditionnels de distribution mais dont la qualité nutritionnelle est intacte, les Disco-soupes proposant des sessions collectives de cuisine de fruits et légumes invendus ou encore le réseau Re-Bon qui lance des opérations de glanage pour récupérer les fruits et légumes non commercialisés dans les champs. Toutefois, force est de constater qu’elles sont de moindre ampleur.


L’Allemagne, un modèle pour les stratégies de recyclage


France et Allemagne produisent la même quantité de déchets par habitant, mais en France seuls 25 % des déchets ménagers des français sont recyclés alors que les Allemands affichent un joli 48,8 %. La culture du recyclage est en effet plus ancrée en Allemagne où on trouve d’ailleurs un plus grand nombre de poubelles différentes (marron pour l’organique, bleu pour le papier et carton, jaune pour le plastic et métal, noir pour les déchets ménagers, vert pour le verre).

Si l’on s’intéresse au recyclage des bouteilles, on constate là encore l’avance allemande. 98,5% des bouteilles et canettes allemandes sont recyclées alors que seulement 56% des bouteilles en plastique et 43% des canettes en France. Cela est en grande partie dû au système de consignes déployé en Allemagne où les bouteilles sont payées un peu plus cher à l’achat mais peuvent être rendues en magasin, moyennant le rendu d’une petite somme d’argent. Il existe 2 types de consigne :

  • Mehrweg : pour les bouteilles en verre ou en plastique consignées entre 8 et 15 centimes qui peuvent être réutilisées jusqu'à 50 fois.

  • Einweg : instauré pour les canettes en aluminium, très polluantes et plus difficiles à recycler. Elles ne peuvent être utilisées qu’une fois et ne sont pas réemployées une fois retournées. La caution est de 25 centimes.

En conséquence de cette politique et pour baisser les coûts, beaucoup d’industriels ont préféré se concentrer davantage sur la vente de produits en plastique, entraînant la quasi-disparition des canettes des réseaux de distribution.


Des études ont cherché à comprendre si ce système de caution sur les bouteilles pourrait être bénéfique en France. Les résultats montrent que des économies seraient réalisées par les municipalités en supprimant totalement les circuits de collecte des poubelles dédiées au verre. L’impact environnemental serait positif de 340 kt d’équivalent CO2 par an, en estimant un taux de retour de 90%. On ne voit en revanche aucun impact sur les déchets sauvages dans les rues ni d’économies pour les municipalités liées au bac jaune, dans le sens où sa gestion est constituée de coûts fixes ne diminuant pas avec le ralentissement des rythmes de collecte.





Sources utilisées


Partie I :

https://www.bmel.de/DE/themen/landwirtschaft/oekologischer-landbau/zukunftsstrategie-oekologischer-landbau.html Part population active employée dans le secteur agricole : Eurostat, 2019

Part de l’agriculture dans le PIB : étude agriculture.gouv 2018 https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/sites/ifpen.fr/files/inline-images/NEWSROOM/Regards%20économiques/Etudes%20économiques/Panorama%202018/05_Panorama-2018_VF_BiogazEnEurope.pdf


Partie II :

https://www.goethe.de/ins/fr/fr/kul/dos/nhk/21981517.html

https://www.capital.fr/entreprises-marches/bio-la-france-et-lallemagne-font-la-course-en-tete-1375005

https://www.pleinchamp.com/actualite/les-5-plus-gros-marches-du-bio-en-europe https://journals.openedition.org/allemagne/2015#tocto1n2

https://www.ege.fr/sites/ege.fr/files/uploads/2018/05/Lagriculture-allemande.pdf https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2020/07/DP-AGENCE-BIO-CHIFFRES-2019_def.pdf


Partie III :

Partie IV :


https://www.cec-zev.eu/fr/themes/vie-quotidienne/la-consigne-en-allemagne/



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