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Le bio partout, tout le temps, pour tout le monde, c'est possible en France ?

Cet été la team « 10 Milliards à table ! » est allée faire son marché et a rencontré le gérant de la Maison Leroux, un détaillant bio en Bretagne.

Pour rappel, le détaillant achète des produits aux grossistes et/ou aux producteurs pour les revendre tous les jours sur le marché à des particuliers.

Retour sur un échange à la volée entre deux caisses de courgettes.


Depuis 28 ans vous travaillez dans le bio alors que ce mouvement ne se généralise que depuis quelques années, comment expliquez-vous cela ?

Mes convictions religieuses m’ont toujours incité à respecter la nature et à lui faire confiance. D’ailleurs une des premières méthodes bio en France a été créée au début des années 70 par deux catholiques pratiquants, Raoul Lemaire et Jean Boucher. Ces derniers militent dès 1971 pour une agriculture n’utilisant ni engrais ni produits chimiques de synthèse et élaborent une méthode fondée sur l’utilisation d’une algue pour fertiliser les sols. Aujourd’hui dans son encyclique Laudato Si, le Pape appelle notamment à prendre soin de la terre lorsqu’on la cultive.

Vous travaillez en Bretagne, est-il possible de consommer en circuit court partout en France ?

Malheureusement pas toujours car l’offre des producteurs est irrégulière selon les saisons, la météo, etc … Par exemple en Bretagne, il y a au minimum un tunnel froid tous les ans, car l’hydrométrie est très variable selon les saisons. Malgré cela, le gel des plantations n’est pas toujours évitable, notamment en Bretagne, et on est alors contraints de recourir aux grossistes pour se procurer certains produits.

Néanmoins, il est important de privilégier dans la mesure du possible les producteurs face aux grossistes – qui tirent les prix à la baisse - afin de leur assurer un meilleur revenu. Le coût plus élevé des fruits et légumes issus directement du producteur n’est pas un poids pour moi dans la mesure où la marge que je réalise couvre ce coût.



Aujourd’hui des critiques sont émises à propos du label Bio, que certains estiment trop peu sélectif, qu’en pensez-vous ?

Depuis quelques années, le label Bio s’est libéralisé pour devenir plus accessible aux producteurs. En effet, avant de pouvoir être certifié bio, une période de conversion est nécessaire pour permettre le nettoyage du sol. Durant cette période, les produits ne peuvent pas encore être commercialisés sous le logo AB. Le travail de conversion au bio est donc une démarche complexe et coûteuse, qui peut en décourager plus d’un. En exigeant 3 ans de transition pour la conversion à l’agriculture biologique (et non plus 10 ans), les producteurs sont davantage incités à entrer dans ce parcours du combattant. En revanche, il faut bien garder en tête que le label Bio indique une culture sans engrais et intrants chimiques mais pas forcément sans résidu datant des années précédentes ! Et les 3 années de conversion actuellement nécessaires pour être labellisé ne sont clairement pas suffisantes pour faire disparaître tous les résidus chimiques du sol…

Le secteur du bio est un secteur d’avenir, les innovations ne manquent pas ! Quels sont les plus gros défis des prochaines années à vos yeux ?

En tant que détaillant bio français, je vois les gros groupes industriels militer de plus en plus pour la culture bio hors sol. Cette innovation est selon moi un écueil à éviter à tout prix ! Le bio hors sol repose sur un support artificiel, et pour moi le lien à la terre est indispensable.

A l’inverse, certaines innovations permettent de faire évoluer et progresser notre secteur de manière respectueuse des sols et de la biodiversité. Par exemple, un des producteurs avec qui je travaille récupère le méthane issu des autres activités de son exploitation agricole et l’utilise pour chauffer ses serres. Un bon compromis pour assurer une production variée tout en limitant sa pollution.



Acheter bio représente un budget conséquent, surtout lorsqu’on est étudiant. Comment acheter bio quand on a un petit budget ?

Pour certains aliments les prix restent les mêmes que l’on soit dans le bio ou pas, comme pour les agrumes et les bananes par exemple.

Pour beaucoup d’autres fruits les prix peuvent passer du simple au double, c’est vrai. Cela s’explique par la fragilité de ces cultures, beaucoup plus sensibles aux maladies. Mais je reste optimiste, car ça s’améliore et il y a de plus en plus d’innovations pour limiter ces surcoûts, comme les pièges à insectes. Grâce à ces nouvelles méthodes, les prix tendent à se normaliser, ce qui rendra le bio de plus en plus accessible !

Interview réalisé en août 2020 sur le marché de Dinard

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