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Un refuge de biodiversité sur les toits du Parc Expo !

L’équipe 10 milliards à table ! a rencontré Sophie Hardy, directrice de site de la plus grande ferme urbaine en toiture d’Europe. 15 000 m2 de surface maraîchère sur le toit du Hall 6 de Paris Expo, produisant plusieurs centaines de kilos de fruits, légumes et aromates chaque jour, c’est le projet porté par « Nature Urbaine » et lancé à l’été 2020.


Crédits : Notre Urbaine


Quelle est l’importance de l’agriculture urbaine aujourd’hui en France ? Peut-on l’envisager comme une solution pour nourrir demain ?

On compte environ 600 fermes urbaines en France et une trentaine à Paris, dont l’essentiel occupe une surface d’environ 500m2. Du fait de ces surfaces restreintes, les volumes de fruits et légumes produits via l’agriculture urbaine sont encore anecdotiques et n’ont pas pour objectif de rendre les villes autosuffisantes. Mais l’agriculture urbaine est un mouvement qui monte clairement en puissance. Avec la percée des écologistes aux dernières municipales, tout porte à penser que leur poids dans le total de la production maraîchère va augmenter. Les collectivités locales ont un rôle moteur dans ce processus. En effet, les porteurs de projets d’agriculture urbaine ont besoin d’être accompagnés pour développer leurs fermes car celles-ci se nichent généralement dans des caves, des friches urbaines ou d’autres endroits abandonnés par la ville et peu propices à la mise en place de maraîchage. Les collectivités doivent donc dépolluer les sols, mettre à disposition des infrastructures comme des points d’eau, des sanitaires ou des surfaces de conditionnement.

Nature Urbaine se présente comme un projet atypique par l’étendue de ses surfaces agricoles en toiture, les plus vastes d’Europe. Comment en êtes-vous arrivés ici ?

Le Parc Expo appartient à la ville de Paris qui en délègue la gestion à Viparis, une filiale de la chambre de commerce et d’industrie et du groupe UNIBAIL. Viparis a lancé un grand plan de modernisation du Parc Expo en 2015 comprenant un appel à projet pour végétaliser le toit du pavillon 6. Deux startups l’ont remporté, Culture en Ville et Agripolis. Au-delà de la simple végétalisation esthétique, ils avaient comme objectif de développer une ferme productive pour nourrir la ville en rapprochant les bassins de production et de consommation dans un circuit ultra court et en réconciliant l’urbain avec son alimentation.

Nous avions d’abord envisagé un modèle B2B où nos produits seraient revendus à des restaurants. Mais face à l’envie du grand public de s’impliquer dans l’aventure, nous avons aussi développé des ventes directes auprès des consommateurs finaux et toute une offre événementiel avec des visites pédagogiques des lieux, des séances de yoga, des activités team building pour les entreprises et des espaces privatisables.

Peut-on imaginer que l’agriculture urbaine pousse l’agriculture traditionnelle à se remettre en question et se renouveler par les innovations qu’elle introduit ?

Aujourd’hui, certaines techniques sont aussi bien utilisées en agriculture traditionnelle qu’en agriculture urbaine comme l’aéroponie, un modèle d’agriculture sans terre souvent utilisé pour cultiver la majorité des tomates. D’autres techniques sont plus souvent utilisées en agriculture urbaine, comme l’hydroponie qui produit de manière verticale pour répondre au problème d’optimisation des surfaces restreintes. C’est aussi le cas de l’aquaponie, délicate à mettre en place dans l’agriculture traditionnelle, et qui fonctionne en circuit fermé avec des poissons dont les déjections constituent l’engrais des plantes, elles-mêmes produisant de l’oxygène qui alimente l’eau des poissons. L’interaction des techniques entre agriculture urbaine et traditionnelle est donc limitée à mon sens, car elle ne repose pas sur les mêmes besoins.

Peut-on espérer trouver un jour des produits issus de fermes urbaines aux prix des supermarchés classiques ?

Le principal défi de l’agriculture urbaine concerne son modèle économique. Les coûts de développement et de structure sont colossaux et les loyers de centre-ville sont élevés en comparaison avec le prix d’une parcelle en campagne. Avec ces contraintes, il est peu probable que le prix des fruits et légumes puisse diminuer de façon significative, d’autant plus que l’échelle de production est par définition limitée. Le consommateur qui acceptera de payer plus pour acheter un produit issu de Nature Urbaine aura donc besoin d’un argumentaire solide regardant la qualité de la production, son aspect écoresponsable, et devra être conforté par le goût supérieur du produit.

L’air de Paris étant très pollué, les produits de fermes urbaines portent-ils un risque de contamination plus élevé ?

Nature Urbaine se situe en plein cœur du 15ème arrondissement de Paris, on pourrait donc penser que les risques de pollution sont élevés. En réalité, les végétaux absorbent la pollution par les racines. Or, les racines sont bien protégées ; elles sont hermétiques à l’eau de pluie et à l’air ambiant. La seule pollution est donc celle de l’air ambiant qui dépose une pellicule sur les produits. On recommande à nos clients de les laver pour enlever les potentielles particules polluées, mais cela n’est pas une réelle contrainte puisqu’aujourd’hui tous les fruits et légumes doivent être rincés.

Nous cherchons justement aussi à sensibiliser les jeunes sur les questions de l’alimentation durable. Avez-vous des conseils à ce sujet ?

Le meilleur moyen de sensibiliser le public aux enjeux de l’alimentation durable est de marteler le discours en montrant des endroits inspirants, des projets agricoles innovants. Ces nouvelles techniques d’agriculture intéressent de plus en plus de publics différents. Les seniors, par exemple, sont très curieux de comprendre ces nouvelles techniques.


Pour la question du prix, qui est le frein principal à la consommation responsable, je pense qu’il faut se réhabituer à payer les produits à leur juste valeur. Les coûts ne sont pas les mêmes dans une production espagnole de tomates envoyées pas mûres dans des camions frigo et dans des exploitations qui veillent à travailler des variétés anciennes, cueillies à la main. Pendant le premier confinement, les gens se sont rendu compte que pour bien manger il fallait payer un peu plus cher. Et augmenter la part de son budget dédiée à l’alimentation permet non seulement de consommer mieux, mais également de faire un geste solidaire en consommant français pour faire vivre les producteurs locaux !


Crédits : nature urbaine



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