On parle beaucoup d’alternatives végétales aux protéines animales mais avez-vous déjà trouvé des alternatives à l’œuf ? C’est le défi que s’est lancé la startup Yumgo, fondée en début 2019. L’équipe « 10 Milliards à table ! » a rencontré sa cofondatrice Anne Vincent pour vous à la boulangerie 100% végétale « Land & Monkeys », première testeuse et utilisatrice des produits Yumgo.
D’où est née cette envie de proposer des substituts végétaux à l’œuf ?
Aujourd’hui, on est tous conscients de l’impératif d’une orientation vers le végétal pour des raisons d’écologie, de bien-être animal, de santé et parfois d’allergies. Mais malgré la multiplication des alternatives aux protéines animales pour les consommateurs, les solutions pour les professionnels restent très limitées, et en particulier pour remplacer les œufs. Or c’est l’un des ingrédients de base des boulangeries traditionnelles avec le beurre, le lait et la crème.
Nous avons donc cofondé Yumgo avec Rodolphe, boulanger pâtissier possédant une vingtaine de boutiques sur Paris, avec l’idée de faciliter la transition des ovoproduits vers des préparations similaires mais 100% végétales pour les professionnels de l’alimentation.
Cette initiative a-t-elle été motivée par une forte demande préalable des professionnels ?
La demande était significative du côté des consommateurs finaux mais un peu plus marginale du côté des professionnels, restant surtout centrée sur quelques boulangeries et traiteurs urbains à la recherche d’innovation. Toutefois, on observait une tendance de fond à la recherche de protéines végétales respectueuses de l’environnement et de la santé, aussi bien en b2b qu’en b2c, ce qui nous permet d’envisager une forte croissance de cette demande dans les mois et années à venir. Je pense que si nous avions présenté notre projet aux professionnels il y a 5 ans, on nous aurait ri au nez, mais aujourd’hui tout le monde le prend très au sérieux. Toutes les grandes marques d’alimentation sont à la recherche de ce type de produits pour rester en phase avec l’évolution des exigences de leurs clients.
Comment se présentent les préparations Yumgo et comment êtes-vous parvenus à développer ce produit ?
Aujourd’hui, les boulangeries et les professionnels de l’alimentation travaillent avec des ovoproduits, c’est-à-dire des œufs hors coquille qui permettent de gagner beaucoup de temps en cuisine. Ils se présentent généralement sous la forme de bidons de blanc d’œuf, de jaune d’œuf ou d’œuf entier. Nos produits Yumgo pour les professionnels ont exactement le même aspect.
Pour cela, nous avons eu besoin d’une longue phase de R&D pendant laquelle des ingénieurs agroalimentaires nous ont accompagnés. Ensuite, nous sommes passés à des phases de test avec des restaurateurs désireux d’essayer nos produits. Chiharu, la responsable R&D de Land & Monkeys, est vite devenue notre testeuse de référence avec via sa pâtisserie 100% végétale. Puis, après beaucoup d’itérations, nous avons lancé le produit au début de cette année chez les professionnels de la restauration. Plusieurs chaînes comme Ladurée, Picard ou Edeka ont manifesté leur intérêt pour nos produits et mènent actuellement des tests sur leurs recettes, cela pourrait marquer un tournant majeur dans l’alimentation du grand public.
L’objectif est-il de produire des préparations les plus semblables possibles à l’œuf ou avez-vous un style perceptible ?
Nous voulons que nos préparations soient extrêmement similaires à l’œuf et que le consommateur ne fasse pas la différence à la dégustation. D’ailleurs, la pâtisserie où nous nous trouvons est 100% végétale mais ne l’affiche pas dans sa boutique de manière à séduire le public le plus large possible et pas seulement les vegans.
Il nous semblait aussi important de conserver les propriétés du blanc d’œuf pour que les professionnels n’aient pas à modifier radicalement leurs recettes. Notre produit devait être capable de foisonner, monter en neige, maintenir un pouvoir coagulant, tout en offrant les mêmes valeurs nutritionnelles. Les seules différences observables sont en fait plutôt profitables pour le consommateur : les produits Yumgo sont sans allergènes et leur empreinte carbone est réduite de 99 % par rapport à celle de l’œuf. Et même côté cuisine, leur volume de foisonnement est plus élevé et ils se préservent un peu plus longtemps. !
Après vous être concentrés sur le marché des professionnels, pourquoi avez-vous décidé de vous diversifier également sur le b2c ?
Au début du COVID, on était encore au début de la commercialisation des produits b2b et on a reçu beaucoup de demandes de particuliers ou d’enseignes comme La Grande Epicerie de Paris. Notre format professionnel consiste en une boîte d’un litre équivalant à 32 œufs, ce qui était beaucoup trop élevé pour les particuliers. Nous avons donc décidé de lancer une nouvelle ligne b2c avec des volumes plus réduits, sous la forme de petites bouteilles. Cela nous a permis d’acquérir une belle visibilité auprès du grand public qui rebondit automatiquement chez les professionnels. Des professionnels comme des amateurs testent nos produits, développent des recettes et les affichent sur Instagram.
Peut-on dire que vous êtes les premiers à proposer une solution sur ce marché ?
Beaucoup de personnes utilisaient déjà l’aquafaba (eau de pois chiche) en alternative à l’oeuf,, mais cela ne permettait de préparer qu’un éventail de recettes restreint et était surtout utilisé par les particuliers. L’entreprise américaine JUST Egg proposait aussi des préparations en b2c pour faire des omelettes ou des œufs brouillés végétaux. Yumgo a été plus loin en offrant une solution prête à l’emploi pour les professionnels, au plus proche des propriétés de l’œuf. Personne ne faisait encore cela, ni en France ni à l’international, ce qui nous pousse à nous développer plus largement en Europe.
Et combien coûtent les solutions Yumgo aujourd’hui par rapport à l’œuf classique ?
Ils coûtent entre 2 et 3 fois plus. Mais avec un litre de Yumgo, on fait 170 petits financiers chez Land & Monkeys donc si on regarde le ratio par rapport au prix d’un financier, l’augmentation du prix est vraiment infime. A terme, avec la hausse des volumes et la démocratisation du marché des protéines végétales, on compte tendre vers une baisse de prix de ces produits.
Notre équipe étant à la recherche de solutions durables pour réécrire l’avenir de notre planète, comment imaginez-vous le système alimentaire en 2050 dans le meilleur des mondes ?
Je pense que la priorité est de réduire la consommation de protéines animales, pour la planète mais aussi pour la santé des gens. La population est de plus en plus prête à franchir ce cap, les mentalités évoluent rapidement. Le confinement nous a fait réaliser de manière très concrète quel était l’impact de nos modes de vie et de consommation sur le réchauffement climatique et sur notre santé, et beaucoup sont désormais déterminés à changer les choses.
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