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Objectif restau 100% écolo

Le week-end dernier, l’équipe 10 milliards à table ! s’est rendue à la fondation GoodPlanet pour le festival « MIAM » consacré à l’alimentation durable. A cette occasion, la restauratrice Laura Schiffman s’est déplacée du Sud-Ouest pour nous parler de l’ouverture de son restaurant durable La Légende. Elle nous raconte son aventure entrepreneuriale, ses convictions écologiques mais surtout comment elle est parvenue à convaincre les habitants du petit village de Sauveterre-De-Béarn avec une carte sans sucre, sans chocolat et sans épices…

Qu’est ce qui fait de La Légende un restaurant durable ?

La Légende s’efforce de respecter le vivant et la terre et essaye au maximum de minimiser ses impacts sur la planète. Cela passe par un certain nombre d’engagements sur :

  • le bâtit : réflexions sur la consommation d’énergie et d’eau, la mise en place d’un poste de cuisson au feu de bois au plus proche des techniques de cuisine ancestrales.

  • les produits sélectionnés : l’approvisionnement est 100% local et tous les vins à la carte sont nature, c’est-à-dire sans ou avec très peu de sulfites ajoutés.

  • la gestion des emballages et des déchets : compostage, zéro plastique en cuisine à l’exception de la maryse qui n’a pas encore d’alternative satisfaisante.

  • l’écologie de l’humain : politique de rémunération juste, conditions de travail se voulant respectueuses et agréables avec une organisation du travail horizontale.

Qu’est ce qui t’as mené à cette initiative ?

Un jour, j’ai découvert que la tomate avait une saison mais que j’étais incapable de la placer dans l’année. Je me suis sentie très déconnectée et cela m’a donné envie de me documenter et de participer à la construction d’un monde meilleur. Ayant suivi une formation dans l’école d’Alain Ducasse, j’ai commencé par travailler dans des établissements parisiens. De plus en plus sensible à une démarche culinaire respectueuse de la planète, j’ai finalement décidé de sauter le pas et d’ouvrir un restaurant durable.



Quelles ont été les grandes étapes de l’ouverture de ce restaurant ?

Tout d’abord, il a fallu le financer car je n’avais que 2000€ en poche. J’ai réussi à lever 20 000€ par du financement participatif et la moitié du restaurant a été financée grâce à des subventions et des prêts à taux zéro. Étonnamment, je n’ai pas attiré tous ces financements grâce à l’aspect écologique de mon restaurant mais plutôt grâce au fait que j’étais une femme et que j’avais choisi de l’ouvrir dans la zone reculée de Sauveterre-De-Béarn.

Une fois le financement assuré, je me suis lancée dans une période de 9 mois de travaux. Le poste de cuisson à feu de bois était pour moi un incontournable. J’ai également beaucoup bataillé pour réduire la consommation d’eau du restaurant. On a failli franchir le pas des toilettes sèches mais cela n’aurait pas été durable pour mes salariés ! Ce qui est génial dans ce restaurant est notre logique expérimentale. On n’a pas peur de l’échec, on essaie. Si ça fonctionne, tant mieux, si ça ne fonctionne pas, tant pis, on passe à autre chose.


Est-ce que restauration durable rime nécessairement avec ingrédients bio ?

Non, notre cuisine n’est pas uniquement issue de produits biologiques. Aujourd’hui, c’est un label qui ne veut plus dire grand-chose. Par exemple, on peut trouver dans un magasin bio des tomates sous plastique en hiver. Les paysans ont souvent des pratiques bien plus respectueuses de la terre.

Pour moi, cuisiner de manière durable consiste à cuisiner des produits locaux et de saison. Comme les paysans chez qui je m’approvisionne n’ont que des petits volumes, j’élabore mes menus en fonction de ce que j’ai. Avec un panel plus limité d’ingrédients, on arrive à montrer qu’il est possible de renouveler le nombre de recettes de manière infinie. Les menus évoluent donc quotidiennement car notre cuisine reflète le terroir disponible le jour J et qu’on utilise finalement assez rarement les mêmes recettes.


Comment définis-tu le « local » et comment l’appliques-tu à La Légende ?

A La Légende, on est 100% local et on définit la limite du local à un rayon de 30 à 40km maximum pour 99% de nos produits. Le 1% restant (huile d'olive, amandes, riz) vient d'un peu moins de 200km. Cela implique donc de renoncer à un certain nombre de produits comme le sucre, le chocolat, le poivre, les épices… notre seule épice est le Piment d’Espelette car nous avons la chance de se trouver au bon endroit !

Une seule exception au 100% local : le café. En effet, le temps du café est un moment d’échange, de convivialité que nous ne voulions pas sacrifier. De plus, cela serait quelque chose de clivant pour nos clients or nous tenons à ce que notre restaurant soit ouvert à tout le monde. Nous avons donc décidé de garder le café mais de travailler à le faire acheminer en bateau à voile.




Comment parvenez-vous à ne pas effrayer une partie de votre clientèle avec de tels engagements sociétaux et environnementaux ?

La Légende est un restaurant gourmand avant d’être écologique. Son but premier est de donner de l’amour et de la joie. Chaque cuisiner de l’équipe s’efforce de valoriser au mieux les produits du jour et finit par trouver de super alternatives au sucre ou au chocolat : de la contrainte naît la créativité ! Face à un crumble aux pommes où le miel remplace le sucre, nos clients ne se rendent même pas compte de l’absence de chocolat. En travaillant à offrir une carte gourmande, on parvient à faire accepter avec joie à notre clientèle de nouvelles habitudes alimentaires. C’est ce que l’on a constaté cet été : 50% des plats consommés étaient végétariens, sans que nos clients n’aient nécessairement de considérations écologiques particulières.


Vous semblez avoir couvert les volets sociaux et environnementaux de la notion de durabilité, qu’en est-il du volet économique ?

Effectivement, pas de durabilité dans le temps sans entrée d’argent suffisante pour rémunérer toutes les parties prenantes. La Légende n’existant que depuis deux ans, on ne parvient pas encore à atteindre cette durabilité économique. Notre restaurant rémunère les paysans et ses salariés mais je ne peux pas encore me payer. Pour l’instant personne ne s’y retrouve : ni les paysans qui ne sont pas suffisamment rémunérés, ni la clientèle qui estime payer trop cher, ni le restaurateur qui est asphyxié entre les deux et qui ne fait pas assez de marge pour se rémunérer. La question de la juste rémunération est difficile et il y a un vrai travail à faire avec le consommateur pour le rééduquer aux prix justes.


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