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Lorsque les enjeux de la durabilité et de la migration se rencontrent

Et si les grands enjeux actuels pouvaient se répondre mutuellement ? Notre équipe « 10 Milliards à Table ! » a rencontré Lucile Froitier, responsable du programme JRS Ruralité et du partenariat WWOOFing Solidaire au sein de l’association JRS France. Elle nous explique comment lier la question migratoire à celle de la durabilité.



Qu’est-ce que c’est, JRS Ruralité ?


Créé il y a deux ans, JRS Ruralité est un programme de l’association JRS France (Jesuit Refugee Service) et qui a été réalisé comme un programme d’expérimentation. Il a pour objectif de mettre en lien des personnes déplacées par force et des acteurs.rices du monde rural, que ce soit des personnes qui habitent en milieu rural, des agriculteurs et agricultrices mais aussi des mairies, des employeurs … toutes sortes de personnes qui ne vivent pas dans les métropoles.


Basé à Limoges, ce programme se concentre notamment sur l’hospitalité - c’est-à-dire qu’il permet à des demandeurs d’asile ou des réfugiés de participer à des courts séjours à la campagne pour expérimenter un nouveau mode de vie. Ils sont accueillis au sein de familles dont ils adoptent le rythme et le travail le temps de quelques semaines.


En quoi consiste votre partenariat avec le réseau WWOOF France ?


Cette expérience, ils peuvent notamment la vivre dans des fermes à travers le réseau WWOOF France, un réseau d’agriculteur.trice.s[PP1] proposant le gîte et le couvert en échange d’une aide quotidienne dans la ferme. Avec ce réseau, on a créé un partenariat appelé le WWOOFing Solidaire.


Rappel : Le WWOOFing consiste à être accueilli chez des agriculteurs pour donner un coup de main en échange de l’hospitalité. Le but n’est pas de travailler mais d’échanger, de partager. Pour le WWOOFeur, soit la personne accueillie, l’idée est de découvrir tout un tas de pratiques différentes (maraîchage, élevage, culture de plantes médicinales), et cedans le monde entier . Pour les accueillants, l’idée est d’avoir des personnes de tous horizons qui viennent dans leur ferme pour les accompagner sur divers travaux et ainsi être dans une optique de transmission et d’apprentissage mutuel.


Le réseau WWOOF France et nous avons eu des intérêts communs au même moment. Du côté de JRS Ruralité, on cherchait à proposer à des demandeurs d’asile de pouvoir être accueillis dans des fermes, mais il y avait des contraintes légales. En effet, ces derniers ne peuvent travailler que sous certaines conditions. On se demandait comment leur permettre de découvrir la réalité et l’activité régulière de paysans et de paysannes, et c’est vrai que le WWOOFing est apparu comme une très bonne solution.


Est-ce que ce projet incite les personnes déplacées par force à se tourner vers le monde rural ?


Aujourd’hui, on ne peut pas savoir si ce programme a incité des personnes déplacées par force à s’installer en milieu rural car on n’a pas le recul nécessaire pour fournir un suivi de long-terme. En effet, le parcours d’une personne déplacée par force est long : de la demande d’asile, à l’obtention du statut de réfugié et de la réflexion autour d’un projet futur, etc. Mais on peut noter qu’il y a une grosse majorité de personnes qui se dit « Pourquoi pas, si j’obtiens mon statut et trouve un emploi, venir habiter à la campagne. » Ça change complètement leur imaginaire : ce n’est pas parce qu’on habite à la campagne qu’on n’a accès à rien et qu’on est coupé de tout. Et parfois le tissu associatif et la solidarité est plus grand en rural qu’à la ville.


Randonnée


JRS Ruralité en chiffres, ça donne quoi ?


Aujourd’hui on trouve 25 lieux d’accueil, et parmi eux neuf fermes du réseau WWOOF France.

On dénombre aussi 88 personnes qui ont participé aux 70 courts séjours organisés. Certaines personnes retournent dans les lieux d’accueil car des liens solides se tissent entre les accueillants et les accueillis.


Quel lien observes-tu entre la migration et l’enjeu de la durabilité ?


Je considère que tous ces enjeux sont extrêmement liés : la question de la migration est liée à ce que la Terre entière consomme finalement. C’est intéressant, et nécessaire, de penser tout ça en même temps.

Tout d’abord c’est un enjeu à envisager avec des personnes d’origine étrangère. La migration est un phénomène qui ne va cesser d’augmenter et qui est très en lien avec la crise climatique. Je pense qu’imaginer des solutions dès maintenant sur ce qu’on vivra dans plusieurs années est important. Se préparer à entrer dans des périodes de transition est essentiel, et le programme JRS Ruralité fait partie de ce mouvement de transition dans le sens où il permet de créer des liens durables et d’ouvrir le champ des possibles à des personnes qui sont précaires, souvent considérées comme bénéficiaires et qui ne peuvent pas prendre en main leur choix de vie pour tout un tas de raisons et de statut. Ce n’est pas grand-chose, mais ce programme permet de créer des opportunités pour eux et nous.


Club Jardin – Construction de jardinières


Dans un monde idéal en 2050, comment faire pour nourrir 10 milliards d’êtres humains ?


C’est une question importante. Il faut penser à un retour à la terre, c’est-à-dire questionner une meilleure répartition des ressources de la terre et de la forêt. Je pense que c’est une des clefs pour que l’on puisse se nourrir durablement.

Je ne dis pas qu’il faut que l’on devienne tous paysans, mais en essayant de se reconnecter à une nourriture la moins transformée possible et en réfléchissant à une accessibilité pour les personnes les plus précaires, on fera déjà un grand pas.

Par exemple, nous animons un atelier « C’est mieux quand c’est gratuit », dans lequel on propose plein de choses « écolo » à des personnes notamment précaires. On peut par exemple faire sa lessive ou son jus de pomme simplement en ramassant des choses dans la nature. Consommer durablement ne devrait pas être réservé aux populations les plus aisées. Les ponts ne sont pas souvent faits entre les personnes précaires qui habitent en ville et la possibilité pour eux de consommer plus sainement. Je crois que plus on mettra en lien les personnes habitant en milieu urbain et celles habitant en milieu rural plus on facilitera l’accès à la nature et à la terre pour tous.



[PP1]Agriculteur·trice·s

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